Depuis plusieurs années, je remarque, dans ma pratique, une nouvelle question qui arrive dans mes entretiens, souvent lors du premier : « Et est-ce que tu passes du temps devant les écrans ? ». Très rares sont les enfants et/ou adolescents qui me répondent non. La majorité possèdent une console, une tablette, ou un téléphone, voire, parfois, le tout en même temps. Je les entends aussi régulièrement me dire : « Mon téléphone, ça sera à 12 ans ». Comme si le passage de l’école primaire au secondaire était un cap, LE cap que le parent attendait pour s’autoriser à donner ce Saint Graal, souvent tant demandé par le jeune : « Parce que les autres en ont un et pas moi ».
Après la question des écrans vient celle des règles qui les entourent : « Et existent-ils des règles chez toi par rapport au temps que tu peux passer dessus ? ». Je n’ai pas fait de moyennes mais, régulièrement, le temps passé varie en fonction du jour de la semaine : « Si j’ai école, c’est 1h voire 1h30 après les devoirs. Le mercredi et le weekend, je peux jouer un peu plus ».
Cette réponse, c’est la réponse idéale, presque attendue de la part du thérapeute : « Ok, les règles sont présentes, il semble les respecter, les parents aussi, parfait ».
Néanmoins, nous ne pouvons faire fi des dérives qui peuvent exister. Nous sommes aujourd’hui dans une ère de révolution numérique. Les écrans, quels qu’ils soient, font inévitablement partie de notre vie, à tout âge. Cela soulève donc des questions très importantes sur l’impact qu’ils peuvent avoir, surtout dans le développement de l’enfant et de l’adolescent.
Cet article vise à mettre en évidence quelques effets des écrans.
1. Temps passé sur les écrans
Le temps passé devant les écrans peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale et physique des jeunes. Nous pouvons mentionner un article de Santé Publique France (2023) qui explique qu’à 2 ans, le temps d’écran moyen était de 56 minutes, qu’il augmentait à 1h20 à 3 ans et arrivait à 1h34 pour les enfants de 5 ans et demi. Les adolescents (12-19 ans), eux, passeraient en moyenne 4 heures par jour sur leurs smartphones (Etude Jeunes, activités, médias, 2022). De façon plus générale, les adolescents passeraient, en moyenne, 7h30 par jour devant les écrans, toute source confondue (Ponti, 2019).
2 ans
56min/jour
3 ans
1h20/jour
5 ans
1h34/jour
Ados
7h30/jour
De plus, une étude publiée dans JAMA Pediatrics a révélé que le COVID-19 a aggravé cette tendance aux écrans, passant de 1h45 par jour, avant la pandémie, a plus de 3h par jour pendant la période de confinement (Pew Research Center).
Au vu des résultats, il est important d’inciter les enfants à utiliser les écrans de manière équilibrée et réfléchie.
2. Effets négatifs sur le développement
2.1. Santé mentale
L’utilisation excessive des écrans est liée à des niveaux accrus d’anxiété et de dépression chez les adolescents. En particulier, les réseaux sociaux peuvent conduire à des comparaisons sociales et entraîner à une faible estime de soi. Une étude a révélé que les adolescents passant plus de temps devant les écrans étaient plus susceptibles de présenter de tels symptômes (BMC Psychology, 2023). Cependant, une légère association significative a été trouvée entre le temps excessif passé devant un écran (plus de 6 heures par jour) et les sentiments de dépression chez les adolescents. Selon une étude néerlandaise, les adolescents qui ont peu ou pas d’amis proches et qui surfent passivement sur Internet (au lieu d’établir des relations avec les gens) souffrent davantage de dépression et d’anxiété au fil du temps. Les adolescents qui ont déclaré avoir des amitiés plus fortes n’ont pas montré de tels effets (Ferguson, 2017).
2.2. Santé physique
Le temps passé par les adolescents sur un écran dépasse largement les deux heures quotidiennes recommandées. Cette surutilisation a été associée à une augmentation du risque d’obésité et à des troubles du sommeil (MDPI, 2023). Concernant le surpoids, il existe une relation importante entre le temps passé devant la télévision et le risque d’obésité, mais peu de preuves sont suffisamment présentes pour démontrer le lien entre le risque de surpoids et du temps passé devant l’ordinateur ou les jeux vidéo (Larrieu, Rocher et Erhel, 2023). Le comportement sédentaire et l’alimentation, chez les jeunes, pourraient mieux expliquer l’association entre le temps passé devant un écran et la prise de poids que les substituts à l’activité physique (Ponti, 2019). Le manque de sommeil, quant à lui, est lié au fait de passer trop de temps devant les écrans avec, donc, un décalage des heures d’endormissement. Cela peut affecter l’état de santé général et leurs résultats scolaires des jeunes (PLOS ONE, 2023).
2.3. Social et cognitif
Les interactions en ligne remplacent souvent les interactions en face à face, ce qui peut entraver le développement de compétences sociales essentielles. Néanmoins, elles peuvent permettre de créer/d’entretenir des relations sociales qui peuvent se prolonger dans la vie réelle (Larrieu et al., 2023).
De plus, au niveau scolaire, une exposition prolongée aux écrans peut réduire la capacité de concentration et affecter négativement, elle aussi, les résultats. Une étude a révélé une corrélation entre le temps passé devant un écran et de faibles résultats scolaires (BMC Public Health, 2023).
3. Les bienfaits potentiels
3.1. Réduction dépression
La communication en ligne peut encourager les adolescents socialement isolés ou anxieux à s'exprimer auprès de leurs amis et de nouvelles connaissances, ce qui peut accroître le sentiment de lien social et réduire les symptômes de la dépression. Selon ces observations, les effets positifs de la communication en ligne devraient être plus importants chez les adolescents qui bénéficient de moins de soutien social ou qui sont moins à l’aise pour socialiser en personne (Granic, 2014).
3.2. Sur le plan relationnel
Le « contact » constant par le biais des SMS, de la messagerie instantanée et des médias sociaux sont considérés comme satisfaisant le « besoin d’appartenance » qui découle du développement (Veissière et Stendel, 2018).
3.3. Bien-être
Une utilisation modérée des écrans (deux à quatre heures par jour) peut avoir un impact positif sur le bien-être (émotions positives), un bon fonctionnement psychosocial et un sentiment de satisfaction dans la vie (Przybylski et Weinstein, 2017).
4. Conclusion
Les écrans, bien qu'omniprésents, ne doivent pas devenir un obstacle au bon développement des enfants et des adolescents. En mettant en œuvre des stratégies équilibrées et en utilisant des outils appropriés, il est possible de transformer l’utilisation des écrans en une opportunité d’apprentissage et de croissance.
Il est aussi bon de rappeler qu’une utilisation extrême des écrans peut se révéler néfaste, comme n’importe quelle autre activité (UNICEF, 2019).
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